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Adaptation au changement climatique : le coût de l’inaction 

Publié le 25/09/2023 19:45

Elena Maksimovich, Docteure en géographie physique et en climatologie

« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité,un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté »  

Winston Churchill

Les crises : un déclencheur d’innovation  

  

Un des effets secondaires indéniables des crises économiques et politiques sont les avancées concernant l’innovation qui peuvent en découler. Le début du XXème siècle est un formidable exemple de l’avancée technologique qui a pu se développer post crise. Une tendance similaire aujourd’hui est observable.  

En effet, les épidémies ainsi que les désastres environnementaux conduisent les différents acteurs publics et privés à rechercher des solutions. Aussi, l’innovation se réunit autour de différentes forces technologiques et savoir-faire où la finance joue un rôle majeur. En effet, les sécheresses, inondations, fleuves secs et autoroutes inondées ont particulièrement attiré l’attention des investisseurs.    

Des pertes estimées parfois à plusieurs milliards et qui appellent à l’action… 

  

Aléas climatiques : des coûts économiques importants  

  

L’actualité en 2022 a notamment mis en lumière les conséquences des sécheresses qui ont été très importantes durant l’été. Nous nous souvenons particulièrement de l’abaissement du niveau du Rhin qui avait rendu ce fleuve difficilement navigable affectant ainsi le fret de marchandises. Cela avait entraîné une augmentation des coûts de transport par quatre.   

La réduction du transport fluvial avait fortement impacté l’activité industrielle de la région.  

Ce fleuve est une véritable artère économique, réunissant la Suisse, l’Allemagne, la France et les Pays Bas. A titre d’exemple, en 2021, 300 millions de tonnes de marchandises étaient transportées sur le Rhin.   

En 2022, l’impact de la restriction du transport fluvial à cause de la sécheresse, était estimé à 5 milliards d’euros pour l’industrie allemande seule1.    

Cependant, l’impact et les conséquences des aléas climatiques persistent sur le long terme. Encore en octobre 2022, 78 départements Français étaient toujours concernés par les restrictions des usages de l’eau.   

Les compagnies de transport, les agriculteurs, les assureurs, les investisseurs, les banques et les constructeurs sont tous concernés. Les entreprises sont confrontées aux conséquences directes et indirectes des risques climatiques : interruptions de la chaîne d’approvisionnement, coûts opérationnels supplémentaires, baisse de la qualité et augmentation du prix des matières premières, perte de biodiversité et disponibilité de l’eau douce.  

La nouvelle réglementation européenne sur le climat, appelée « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive), met au cœur du reporting les risques climatiques physiques tels que les sécheresses, les inondations, les vagues de chaleur, les tempêtes et les incendies de forêt2

À partir de 2024, les entreprises enregistrées et opérant en Europe devront intégrer les impacts des risques climatiques dans la gestion des risques de l’entreprise. Il s’agit d’une étape révolutionnaire vers une finance résiliente et réparatrice.  

Historiquement, le risque climatique physique a été pris en compte par les régulateurs financiers et d’assurance uniquement dans le contexte des Catastrophes Naturelles (NatCat). Soutenu par des fonds gouvernementaux, le groupe NatCat prend en compte uniquement les tremblements de terre, incendies de forêt, ouragans et inondations majeures. Tous les autres risques naturels, tels que l’élévation du niveau de la mer, les sécheresses et les vagues de chaleur sont écartés.  

La sécheresse de l’été 2022 est un exemple de risque climatique physique qui n’entre pas dans le champ d’application de l’assurance. En effet, la sécheresse ne fait pas partie du groupe de risques assurés par NatCat. Les collectivités et les entreprises doivent faire face à ces situations par leurs propres moyens. L’innovation peut donc être un levier accélérateur. De nouveaux contrats d’assurance devraient être développés pour protéger les entreprises contre les nouveaux types de risques climatiques.  

Enfin, les climatologues estiment que les grands fleuves français pourraient perdre jusqu’à 40% de leur débit d’étiage d’ici 2050. Cependant, la recharge des nappes phréatiques par la pluie pourrait diminuer de 30%3.   

  

Modélisation financière des pertes liées au climat  

  

Les prévisions de crises climatiques futures est un enjeu majeur et critique dans la gestion durable des risques par les institutions financières. Depuis trois ans, la Banque de France développe une analyse des modélisations des risques climatiques et qui impacte la stabilité financière4. Cette initiative du régulateur est en train de propulser l’innovation au sein de la ClimateTech et DeepTech française. Les fournisseurs des données climatiques développent des outils pour faciliter l’intégration des données scientifiques dans les processus décisionnels du monde de la finance.    

Les scénarios climatiques sont désormais largement utilisés pour évaluer les résultats potentiels des stratégies de risque de crédit. Voici quelques exemples de questions qui sont notamment étudiés : « Que se passerait-il si le risque d’inondation était corrélé à différents actifs ? Que se passe-t-il si les incendies de forêt et les sécheresses se multiplient ? Comment cela se traduit-il en termes de risque de crédit ? »  

  

Adaptation et Résilience 

  

Existe-t-il un lien entre la transition Net Zero et la résilience climatique ? La reconstruction des routes et des propriétés après une inondation ou un incendie, l’assainissement de l’eau et des sols ne sont pas exempts d’émissions ! L’anticipation des risques climatiques est une étape nécessaire pour la compensation carbone et la transition vers le Net Zero.  

Les projets d’adaptation et de résilience sont coûteux.   

Pour réduire le coût des dommages et pour éviter des pertes irrécupérables et des vies brisées, nous avons besoin de plus d’ingénierie d’atténuation. La sécurité de l’environnement est donc une priorité.  Il convient d’insister sur le fait que l’évaluation détaillée des pertes attendues est le seul argument efficace pour investir dans l’atténuation.  

  

Coût de l’inaction  

  

Le prix de l’assurance est fonction de la perte attendue. En France, pour les biens exposés à un risque physique élevé, la prime annuelle peut atteindre des dizaines de milliers d’euros, sans subventions publiques. Aujourd’hui, lors de la tarification de l’assurance, la limitation peut provenir du type de risque et de la localisation géographique. Il n’existe pas encore de contrats d’assurance pour tous les risques climatiques, quelle que soit la région.   

La disponibilité mondiale d’une assurance abordable et efficace pour les vagues de chaleur, les sécheresses et tout autre risque climatique est le défi de l’innovation aujourd’hui.   

La tarification du risque est un argument essentiel pour les investisseurs et les gestionnaires d’actifs.    

La partie innovante supplémentaire est l’évaluation prospective des risques climatiques. La complexité des données climatiques scientifiques brutes est la principale raison pour laquelle les compagnies d’assurance n’utilisent pas encore ces données.  

  

Justice sociale  

  

Le déficit de protection par l’assurance est plus important pour les familles pauvres et les pays pauvres, où les pertes assurées sont inférieures à 10 % du total des dommages. Ces personnes n’ont pas les moyens de s’assurer et n’ont pas de budget pour la reconstruction par suite d’une catastrophe climatique. Les familles avec enfants et les personnes à la retraite sont les moins bien protégés. Une assurance inabordable signifie qu’il n’y a pas d’assurance.  

  

Besoin d’innovation  

  

Les rapports annuels d’assurance nous apprennent qu’un quart des pertes et dommages dus aux inondations se produisent en dehors des zones inondables officielles. En effet, les zones « officielles » ne délimitent que les zones à risque connues (observées). Même dans de nombreux pays développés, cette cartographie « officielle » des zones à risque n’a pas été mise à jour au cours des 20 à 30 dernières années ! Pour l’innovation ClimateTech, il s’agit d’une opportunité évidente.   

Bonne nouvelle : aujourd’hui, il existe déjà environ 120 modèles climatiques mondiaux créés par les principaux instituts de recherche. Ces modèles calculent et évaluent tous les résultats possibles et les probabilités de changement climatique.  

La science du climat progresse énormément grâce à la technologie et à l’intelligence artificielle. Les super-computing, les nouveaux satellites, les inondations et les incendies en forêt sont suivis en détail. Toutes ces données peuvent être utilisées en temps réel. Le temps est venu d’exploiter toutes ces technologies disponibles et ces données sur les risques climatiques pour le bien public et la sécurité.  

  

Références  

  
  1. Bloomberg   ↩︎
  2. CSRD, 2022   ↩︎
  3. IRD, 2020↩︎
  4. La Banque de France – climate stress testing↩︎
  

Elena Maksimovich 

  

Elena est titulaire d’un doctorat en géophysique et en climatologie et est également experte-réviseur pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Elle est passionnée par la modélisation du climat et la surveillance par satellite au-dessus de la terre et de la mer. Avec son équipe de scientifiques spécialisés dans les données climatiques, Weather Trade Net comble le fossé entre les entreprises qui ont besoin de données climatiques techniques et scientifiques. L’équipe de Weather Trade Net a été primée lors du concours de startups 2022 de la London Tech Week.